Devenir "fantôme", n'est-il pas le rêve de tout enfant ? Passer à travers les murs, s'immiscer dans des lieux improbables sans demander d'autorisation ou juste être invisible et faire ce que l'on veut. Etre inattrappable !
Et bien c'est possible et sans magie noire. Je le fais régulièrement depuis quelques années et pour mon plus grand bonheur et au bénéfice de ma santé psychique.
Fantômer (devenir fantôme)
Se retirer seul pour un temps à définir (un WE, une semaine, un mois, un an), déconnecter de tout pour échapper au bruit quotidien, être en mouvement et se recentrer sur soi-même afin d'être réceptif aux signes que la vie nous envoie, pour revenir plus à l'écoute et plein d'idées neuves. C'est retrouver : clarté, créativité et énergie.
Comment je fais ?
Il n'y a pas de recette, et chacun fantômera à sa manière. Pour ma part, je fantôme le plus souvent en randonnée à pied.
Je prévois un temps minimum de 2 jours. Je vise une région en France, le plus souvent accessible en transport en commun (train, car). Je regarde les cartes de la zone, je cherche une trace de randonnée qui me convienne puis je prépare mon sac de randonnée. C'est assez simple car je suis rôdé maintenant. Mais, les débuts ont été plus hésitants, plus prévoyants, plus indécis. La version train permet de déconnecter au plus tôt.
Ma première virée solo, je l'ai faîte à vélo en Bretagne. J'avais très envie de partir seul. Mon frein était ma vision, ma projection, de ce que cela devait être. Il FALLAIT que ce soit en toute autonomie et en bivouac perdu au milieu de nulle part. Cette croyance était limitante car je me sentait en insécurité dans cette version de l'histoire. Donc je ne partais pas.
Lors d'un échange, sur ce sujet, avec Isabelle (ma coach ennéagramme), elle me fait avancer sur le chemin de cette croyance pour réussir à me faire dire que ce serait formidable si je partais seul tout en m'autorisant à dormir dans un camping si j'en ressentais le besoin. Cela a tout transformé en moi. J'avais une autre version de mon aventure. Moi qui avait l'idée de performance en reliant Saint-Brieuc à Brest tel un fugitif qui ne se montre pas, et fait au plus vite, j'allais le faire à la manière d'un explorateur solitaire qui prend le temps de regarder et de contempler les beautés de la région.
J'ai donc pris mes billets de train. J'ai dormi au camping pour mes 3 nuits. J'y ai fait de très belles rencontres, j'ai passé des soirées très sympa. J'ai diné avec la famille voisine le premier soir et, le second soir, mes voisins hollandais m'ont déposé une bonne bière devant ma tente alors que je me baladais sur la plage. Belle surprise à mon retour.
Mon premier voyage solo initiatique m'a ouvert les yeux sur ce qu'est "fantômer". C'est être seul physiquement pour se confronter à sa vie.
Ma manière de fantômer n'a pas vraiment changé depuis ce jour. J'ai pris de l'expérience en bivouac alors je m'autorise des nuits solo perdues au milieu de nulle part, mais j'aime tout autant une nuit au camping ou un bivouac partagé avec des inconnus. Les trois versions sont parfaites pour moi car elles sont le fruits de mes émotions du moments et de mes choix. Rien ne me freine à partir et c'est une grande satisfaction et ma liberté.
La puissance révélatrice du fantôme qui est en moi
Devenir fantôme m'apporte une puissance, une énergie incroyable. Me retrouver seul avec soi même est un exercice de profonde introspection créatrice de valeur interne (Schumpeter es-tu la !!!).
La marche, la randonnée à pied ou à vélo sont d'excellents moyens de combiner l'introspection et l'activité physique nourricière pour le corps. J'aime le faire en autonomie dans des régions isolées et souvent sans ou avec peu de réseaux. L'autonomie apporte la connexion à la nature si importante dans le processus. Manger et bivouaquer au milieu du Vercors, du Morvan, au pied du mon Lozère, en haut des falaises des gorges du Tarn ou au bord d'une rivière à 1800 m dans les Pyrénées m'apportent une vitalité incroyable.
Fantômer n'est pas simple de prime abord : partir seul, s'imaginer seul, dormir dehors au beau milieu de nulle part seul n'est plus naturel. Cela semble dangereux et inconfortable. Pourtant, dormir sous un tarp (une bâche légère disposée à la manière d'une tente) permet d'être pleinement connecté à la nature, d'en faire partie, de ressentir son énergie. J'aime sentir l'herbe sous mes pieds nus, l'odeur de la terre humide et regarder le ciel étoilé depuis mon "lit". Mais il n'est pas toujours étoilé ce ciel, c'est l'image d’Épinal ça. Il est très souvent couvert, menaçant, obstrué. Alors je me sens petit et vulnérable dans cette nuit noire qui devient très sonore, voire bruyante, au fur et mesure que la nature prend ses droits. Je me sens comme un étranger. Alors j'ouvre mes sens, j'accueille le moment depuis mon sac de couchage, j'écoute, je respire, je ressens et je finis par me sentir chez moi. Maintenant, je suis prêt à m'endormir avec le souffle du vent sur mon visage, l'odeur de la terre qui m'envahit et le chant de toute la forêt pour berceuse. Cette connexion je la recherche. C’est elle qui me permet de déconnecter pleinement.
2 jours minimum, à partir de 4 c’est top
Le plus bénéfique pour moi est bel et bien de passer la barrière des 3 ou 4 jours salutaires à la dépollution de mon esprit de toutes mes pensées de vie courante. Une fois toutes ces ruminations évacuées, voila que l’état médidatif s’invite au rythme de mes pas et de mon souffle sur des chemins cahoteux, longs et bien souvent dénivelés. L’effort apporte ce supplément de purge nécessaire, et ma respiration au rythme d’un métronome me mène vers un état de conscience quelque peu modifié qui me permet de voir ma vie différemment. Lors de ma grande randonnée de 10 jours seul sur le GR70, j’ai atteins cet état au 3ème jour, les 7 autres ont été d’une grande source de réflexion, d’introspection, de vision de ce que je voulais dans mon futur, de mes potentialités et du sens que je voulais donner à ma vie.
C’est salutaire
Pour moi, c’est comme un rite initiatique, maintenant que je connais tous les bénéfices de cette démarche elle fait partie de ma vie et de mes besoins. Quelle aurait été ma vie si j’avais “fantômer” dès mes 20 ans !! Il y a fort à parier que j’aurais choisi une voie plus centrée sur mes envies et mes émotions. J’aurais été plus à l’écoute de mes besoins et de ce qui m’anime.
Je n’ai pas de regret, je suis reconnaissant d’avoir découvert cela à 44 ans. Il me reste tant d’années pour influer sur le cours de la vie que je ne peux que lui sourire et regarder le chemin s’illuminer au rythme de mes pas.
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Je vous suis reconnaissant d’avoir lu ce récit. Si vous pensez qu’il a de la valeur pour vos proches, partagez-le et créons une tribu d’Alchimistes de l’attention.
Geoffrey
- Aimer sa vie pour illuminer celle des autres