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100 kilomètres à pied, une quête intérieure sur les traces d'Homo sapiens

“Les 4 qu’on perd”, une équipe formidable pour un périple magnifique. Merci à vous 3, Grégory, Clément et Jean-Paul

Qu'est-ce que cela veut dire ? Pourquoi décidé-je de marcher 100 km en une fois ?

Ces 100 km sont en moi depuis très longtemps. Mon père est un grand randonneur inscrit au CAF (Club Alpin Français). J'ai grandi avec les récits de ses aventures du week-end dans les Vosges et de ses étés à travers le monde, dans des pays où personne ne va, et encore moins quand il y est allé (Iran, Yémen, Mongolie, Kirghizistan, Kamtchatka, etc.). J'ai été biberonné aux 100 km Bar-le-Duc → Épinal, au 60 km Nancy → Metz et autres.

Donc, ces 100 km, je les avais en moi et je m'étais toujours dit qu'un jour je pourrais essayer.

Alors quand mon ami Grégory m'appelle et me demande si je veux rejoindre l'équipe qu'il monte avec son oncle et un ami à lui, je n'hésite pas et je dis « oui ». Voilà mon opportunité.

J'y vais sans plus de préparation que ça car je sais au fond de moi que j'en suis capable, comme si c'était déjà fait. Je ne sais pas trop comment dire, mais à aucun moment je ne doute. Un week-end long du mois de mai se présente et je marche 130 km en 4 jours dans le Cantal, sinon rien de spécial sauf : la préparation hydrique et la récupération. Je prévois de beaucoup boire avant, pendant et après l'effort et des boissons supplémentées en minéraux et autres vitamines pour éviter les crampes, les courbatures et la fatigue globale. Mais le doute s'installe lorsque je me fais une énorme crampe/déchirure au mollet gauche 3 semaines avant en jouant au basket. Je vois mon ostéopathe, qui me dit que ça va aller. Il me conseille de démarrer avec l'équipe et de voir ce que le chemin et mon corps me donnent. Il a raison : après 30 km, mon corps s'habitue et je n'ai plus mal au mollet, et cette randonnée m'aura guéri totalement de cette douleur !

Tout a parfaitement fonctionné sur ce plan. D'ailleurs, tout s'est très bien passé durant la marche. Nous avons terminé tous les 4 en 29h. Quelques ampoules pour certains mais rien de méchant. Une super aventure humaine, personnelle, de groupe et d'entraide pour collecter des dons en faveur d'Oxfam pour la protection des plus démunis dans le monde. La cause est belle, il fallait y aller.

Certes, marcher avec un dossard et 400 autres personnes n'est pas ma tasse de thé, j'ai expérimenté une nouvelle façon de marcher. Sur cette randonnée, il ne m'a pas été possible de « fantômer ». Le rythme y était trop soutenu, la ville trop présente et beaucoup trop de monde, sans parler des « ravitos » toutes les 2 heures.

J'ai démarré cette randonnée avec un sentiment d'inconfort. Je ne voulais pas être là, je ne voyais pas ce que je faisais là avec ce dossard, ce sac de 3 kg dans lequel il n'y a rien pour une randonnée, en ville, avec 400 personnes, de la musique à fond sur le départ et de l'eau en abondance dans les ravitaillements tous les 10 km en moyenne. Ce n'est pas ma conception de la randonnée.

Après 15 km, franchement déçu, j'ai changé mon état d'esprit pour être en conscience et présent dans ma marche et accepter l'événement. Il me fallait retrouver l'intérêt et le but de la cause : marcher pour collecter des dons pour Oxfam, marcher avec mon ami Grégory et tenter de marcher 100 km. Ma randonnée était lancée et j'ai passé un magnifique moment.

Il a l’ai vénère et pas sympa sur la photo, mais c’est un vrai chic type je vous assure ;) désolé Greg, je n’avais que celle là !!

Certes, je n'ai pas « fantômé » mais j'ai appris beaucoup de choses qui me serviront dans d'autres randonnées, c'est certain. (fantômer, j’en parle longuement ici)

À partir du 42ème kilomètre, chaque mètre était mon nouveau record.

J'ai apprivoisé la fatigue entre minuit et 5h du matin. Mais j'ai pris le mur de fatigue en pleine face à 5h. J'étais épuisé, impossible de marcher plus. Au ravitaillement, je me suis endormi à l'instant où je suis entré dans le gymnase et me suis allongé. Je crois que la technique est de micro-siester 20 minutes à chaque ravitaillement à partir de 15h pour éviter d'accumuler trop de fatigue. Enfin pour moi, je crois que c'est une technique à tester.

Les muscles aussi sont mis à rude épreuve, je les ai étirés, massés et hydratés du mieux possible et je n'ai pas eu de souci sur ce point.

La gestion des pieds : le facteur X

Le gros point d'une randonnée comme celle-ci, c'est la gestion des pieds. J’étais chaussé de mes fidèles Magna de chez Vivobarefoot, mes chaussures minimalistes qui respectent la forme naturelle de mes pieds (je détaille tout ça ici si vous souhaitez en savoir plus). Donc pas de problème pour moi, mes pieds sont forts, habitués et avec une peau épaisse peu sujette aux frottements.

J'ai bien eu une grosse ampoule sur le côté droit au-dessus du talon. Elle a dû apparaître vers la fin car je ne l'ai pas sentie et l'ai découverte à l'arrivée en enlevant mes chaussures. Je l'ai d'ailleurs recouverte d'antiseptique et en 2 jours elle a dégonflé, puis la peau a repris sa place et sa forme. Je n'avais jamais traité une ampoule comme cela. C'est bien la méthode la plus efficace et la moins douloureuse.

Visiter Nancy, un beau parcours

Ce que j'ai beaucoup apprécié durant ces 100 km autour de Nancy, c'est ma possibilité de revisiter la ville et les alentours de mon enfance, de mon adolescence et marcher quelques centaines de mètres avec ma cousine, ma sœur et mon papa (le parcours passait devant chez lui). Ce parcours m'offrait de longs échanges texte avec un groupe familial et un groupe d'amis qui me suivaient, m'encourageaient, me poussaient. Ils ont été plus précieux que je ne l'aurais imaginé. Dans les moments de lassitude notamment, je leur partageais mes doutes, mes souffrances et eux me remontaient le moral et me donnaient des ailes.

Aujourd'hui, après une semaine, je repense à cet effort et j'en suis fier. Je ressens un apaisement du corps comme lors d'un jeûne. Le corps a puisé dans ses ressources, a subi un stress fort, s'est adapté, a corrigé et nettoyé pas mal de choses, enfin c'est mon sentiment. J'ai très envie de faire une nouvelle marche Oxfam dans les 6 prochains mois, un peu comme un nettoyage du corps et avec l’opportunité de visiter une région tout en partageant l’effort et la collecte de dons avec des amis (Greg, on repart ?)

Mais pourquoi marcher autant ?

C'est en moi, j'aime marcher, j'aime traverser les espaces, les territoires. Je ne peux pas m'empêcher de penser à Homo sapiens, chasseur-cueilleur, qui marchait sans cesse pour sa vie, sa survie, son évolution. Je pense aux déplacements au Moyen Âge, au nomadisme et je comprends que nous sommes un peuple de marcheurs, que nous sommes parfaitement faits pour cela. Tout en moi est constitué pour me permettre de marcher et de marcher longtemps.

Lors de cette marche, je comprends encore un peu plus que mon minimalisme n'est pas anodin, c'est ma part d'Homo sapiens. J'aime être proche de « lui » et tenter de ressentir ce qu'il vivait. Marcher des heures durant dans le but de trouver des ressources et probablement pour découvrir des terres. L'esprit de découverte a dû jaillir à un moment pour qu'il se déplace sur autant de distance jusqu'à conquérir le monde. Je me plais à penser qu'un jour je parcourrai ces 100 km chaussé de sandales, avec le plus petit sac à dos possible et sans dossard !

Ce qui me plaît avant tout, c'est de réaliser qu'il est possible de marcher longtemps et de couvrir de grandes distances. La marche est un vrai moyen de déplacement, ce n'est pas juste une activité de santé ou de plaisir, c'est un mode de déplacement et j'aime à le penser comme tel.

Je l'ai expérimenté l'été dernier lors de mon séjour dans les Açores. Je n'ai pas loué de voiture pour visiter l'île. J'ai traversé l'espace en bus et à pied pour être au contact des locaux. Je connais ma capacité à marcher, je sais le temps qu'il me faut pour parcourir 5, 10, 15 km alors j'ai adapté mes choix de visites et mes parcours en fonction des temps de déplacement. C'était une sensation incroyable que de me sentir libre de mes mouvements et sans voiture à garer et revenir chercher. Je pouvais traverser les villages, les plages, les champs sans me retourner. Je voguais l'esprit libre de toutes contraintes et sans objectif de tout avoir « vu » avant de rentrer chez moi. Je devrai revenir pour expérimenter le reste de l'île !

La force de l'inconfort

Me découvrir dans l’inconfort d’une douleur, d’un effort, d’une situation inhabituelle me pousse à chercher au plus profond de moi les ressources pour en sortir et passer le cap. Je l’ai encore ressenti lors de ces 100 km. Je me connais de mieux en mieux alors je vois venir mes failles, je sens monter mes douleurs, je me conditionne pour les évacuer, les surmonter et les faire passer. Le corps a une capacité d’adaptation incroyable si on le laisse faire son oeuvre sans lui masquer le ressenti avec des médicaments antidouleurs. Cet inconfort je le retrouve dans la vie de chaque jour et je crois que ce sont les mêmes ressorts en jeu.

Dans le Cantal, j'ai enregistré un vocal sur le fait de marcher pour sortir de sa zone de confort, sur le fait de jouer un peu avec les limites pour se sentir vivant et se dépasser. Je le charge dans la section podcast si vous souhaitez l'écouter. Comme à mon habitude, il est brut sans aucun montage. J'aime le format brut qui laisse toute la part de l'imprévu, de l'effort, de la réflexion en direct. Je le laisse comme tel surtout pour me permettre de le sauvegarder quelque part. Je suis probablement mon plus grand lecteur et auditeur. J'aime replonger dans mes audios et relire mes récits. Je suis immédiatement transporté dans le moment et le lieu. C'est un très grand plaisir que de revisiter mon histoire.

Dans la nuit de environs de Nancy

Les champs des environs de Nancy

Slalomer entre les sillons de boue

Support des cousins, cousines

Le grand départ depuis la Place de la Carrière à coté de la Place Stanislas, à Nancy

Avec ma soeur pour 500 mètres ensemble

Avec mon papa pour 500 mètres ensemble autour de chez lui

Les chaussures minimalistes modèle Magna de chez Vivobarefoot, au top

Lors d'un ravitaillement autour de minuit

Je vous suis reconnaissant d’avoir lu ce récit. Si vous pensez qu’il a de la valeur pour vos proches, partagez-le et créons une tribu d’Alchimistes de l’attention.

Geoffrey
- Aimer sa vie pour illuminer celle des autres

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